Véronique, enseignante
Le tricot a des vertus sociales.
Tricoter, c’est faire partie d’une communauté et nouer des liens. Et c’est justement ce qui nous intéresse avec le Centre d’Accueil de l’Armée du Salut, sur une péniche à Neuilly ! Un bout de laine, juste avec un bout de laine, pour vivre des moments profondément humains.
Un milieu bien différent de ce que nous connaissions dans d’autres centres (hospitaliers, Pénitencier, maltraitance…). Nous retrouvons tous les lundis un groupe de participants adultes, majoritairement hommes, qui ont répondu à notre initiative, pour occuper quelques heures de leur semaine tout en étant un peu dubitatifs sur l’intérêt du tricot.
Des adultes, avec un parcours dramatique, qui tue l’estime de soi, vous fait plonger dans la solitude, la délinquance, l’indifférence de l’autre. La réinsertion n’en est que plus compliquée. Et pourtant… Le tricot réveille des sentiments oubliés.
Tricoter en groupe pour un projet commun, provoque une détermination à finir l’ouvrage, pour ne pas rester à la traîne. Stimule la fantaisie, par le choix du modèle, des couleurs. Active une curiosité vers l’autre, ainsi qu’une entraide.
C’est aussi ce qui se passe dans ce centre d’accueil. Surpris de cette incroyable technique, nos participants sont restés concentrés et très amusés de leur premier résultat, ils sont revenus le lundi suivant. Certains s’étaient même aventurés pendant notre absence faisant fi de quelques moqueries de leurs compagnons. Nos tricoteurs s’intéressent à ce qui se passe dans les autres centres et aiment y participer, comme tricoter des poupées pour les enfants de Curie.
Ils ne se racontent pas, parfois quelques bribes, mais ils taisent leur passé douloureux… Et si au début de nos rencontres nous avions l’impression de ne jamais pouvoir ouvrir ne serait ce qu’un petit « tiroir » pour entrevoir l’espoir, nous avons maintenant le sentiment d’une complicité et estime réciproque. Comme eux, nous attendons nos rencontres avec curiosité et joie. A chaque fois c’est différent, positif et profondément humain.
Les bienfaits du tricot se retrouvent être les mêmes dans les différents centres dans lesquels nous travaillons, et en particulier « le regard de l’autre » blessant profondément, redevient moindre. Personne ne cherche à juger, à remarquer la différence, les blessures physiques, les traumatismes psychologiques, la diversité des cultures, tous sont à percer les secrets du tricot. Ils se retrouvent sur un terrain neutre et gai.
Tout devient plus simple.
C’est certainement le plus grand atout du tricot !